Syndicat-patronat, quelle relation?

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Entretien avec Mr Larbi Koullou  - Consultant RH et Organisation

 

RH News : Quelle est la valeur ajoutée d’une organisation syndicale au sein de l’entreprise?


Ce sujet de débat est derrière nous. Il fût un temps où certains mettaient en doute l’apport des représentants syndicaux à la vie sociale et économique de l’entreprise. C’était l’époque où la présence du syndicat au sein de cette dernière n’était pas clairement réglementée et où ‘’le délégué du personnel’’ apparaissait comme l’institution représentative la plus répandue voire la mieux reconnue et considérée comme la plus adaptée à la réalité de représentation dans notre pays. Cette ère est révolue. L’avènement du code du travail en 2003 a institué la présence syndicale au sein de l’entreprise et a clarifié ses attributions. On est en présence de l’un des résultats des transformations palpables que connaît notre pays et qui touchent l’ensemble des composantes de la société, y compris ses organisations (économiques en particulier) qui, au cours de la dernière décennie, ont vécu, notamment, un renouvellement démographique remarquable se traduisant par l’arrivée de populations jeunes, ayant, à plusieurs égards, un comportement différent de leurs aînés et qui saisissent toutes les occasions pour s’exprimer voire de participer à la vie de l’entreprise. Dans pareil contexte les organisations syndicales peuvent être d’un grand intérêt. De toute évidence, et vu ce qui se passe aujourd’hui dans de nombreuses entreprises, les salariés, en particulier les jeunes, ont véritablement besoin d’être orientés et encadrés.


Il s’agit là de l’un des rôles du syndicat. Par les temps qui courent cela est dans l’intérêt de tous : Les salariés ont besoin de s’épanouir. Ils le revendiquent fortement et franchement, mais dans beaucoup de cas de manière individuelle et anarchique, et, en même temps, l’économie nationale et ses entreprises ont besoin d’un climat serein pour affronter les défis cruciaux de la compétition. La présence syndicale, lorsqu’elle ne se cantonne pas à la revendication, est supposée alimenter les équipes de direction de points de vue ‘’différents’’ (l’autre regard) pouvant servir voire renforcer la performance de l’entreprise, grâce aux observations et critiques, quand elles sont positives et constructives. Cet ‘’autre point de vue’’ peut (devrait) émaner non pas que du syndicat mais également des autres instances de représentation. Il n’y a pas de doute que les organisations syndicales puissent être d’un apport utile aux entreprises. Ceci est vérifié dans certains cas d’entreprises. Cependant, la généralisation de cette situation passe nécessairement par une refonte du mode des relations professionnelles. Il devient impératif de dépasser la méfiance qui a, durant très longtemps, marqué les relations sociales au Maroc. La Reconnaissance mutuelle entreprise / syndicat, affichée par les parties, devra se traduire dans leur comportement de tous les jours. Des formations aux relations du travail, bien conçues et convenablement dispensées, devront être organisées et concerner à la fois l’encadrement des entreprises et celui des syndicats.
La loi du travail a été largement enrichie en 2003. Mais son respect reste encore non systématique, à cause notamment de la complexité de la mise en oeuvre de ses dispositions et de la ‘’méconnaissance’’ de celles-ci par de nombreux acteurs concernés. Si les partenaires sont libres de leur action, elle ne doit en aucun cas être en dehors de la loi, attitude courante aujourd’hui.


Le pluralisme syndical ne fait pas l’unanimité mais le fait est là. En cas d’existence de plusieurs syndicats au sein de la même entreprise leur valeur ajoutée à cette dernière requiert une entente entre les organisations syndicales en présence et une coordination et structuration de leur activité. L’expérience du passé montre que la multitude syndicale donnait lieu parfois à une surenchère qui ne servait ni le salarié ni l’entreprise. Incontestablement, le respect des dispositions légales par les parties est de nature à favoriser le dialogue social, instrument d’échange et de communication, qui aboutit, lorsqu’il est efficacement organisé, non seulement à une paix sociale durable mais aussi une contribution syndicale effective à la vie de l’entreprise. Cependant, il reste qu’au préalable les partenaires sociaux puissent faire en sorte d’établir, ensemble, les principes (réellement partagés) devant régir les relations professionnelles et un référentiel commun de fonctionnement.

RH News : Que pensez-vous de la relation Syndicat/Patronat au Maroc ?


Porter une appréciation sur cette question n’est pas aisé. Il existe, certes, à différents niveaux (national, intermédiaire..), des rapports entre les parties intervenant dans le domaine social (pouvoirs publics, représentants des entreprises et des salariés), mais l’information sur le déroulement de ces contacts demeure peu formellement fournie. Mais on sait déjà que le point de vue, considérant que le rapport entre partenaires sociaux est par nature conflictuel et ne peut s’inscrire que dans une logique de ‘’lutte’’ à travers laquelle chaque partie tente ‘’d’imposer’’ sa loi à l’autre, n’est plus de mise. Les partenaires sont aujourd’hui convaincus du dialogue et de l’existence de rapports organisés entre eux et affichent cette position à toutes les occasions.


A la fois les syndicats comme les employeurs n’hésitent pas à exprimer publiquement leur volonté de favoriser l‘émergence d’un dialogue social qui instaure des relations durables et équilibrées. Ceci ne date pas d’aujourd’hui. C’est un discours qui a émergé déjà durant la deuxième moitié des années 90, période à laquelle les relations, entre les représentants des entreprises et les syndicats au niveau national, ont commencé à connaître un début de structuration.


L’avènement du code du travail a offert aux parties les conditions d’existence de relations régulières, couvrant un champ de domaine très large et de diverses natures. Il apporte l’obligation de négocier à plusieurs niveaux (National, Entreprise, Etablissement). Il stipule la concertation sur un large éventail de questions dont certaines à caractère stratégique. Il diversifie les institutions de représentation, espace de rencontres et d’échange entre les acteurs sociaux.


Malgré cela il ne semble pas que la relation entre salariés et employeurs ait atteint le niveau d’efficacité souhaité. Pour preuve le nombre de conflits que connaissent les entreprises, dans un contexte de difficultés et contraintes dont la nature devrait plutôt conduire, si une relation organisée existait, les partenaires à éviter tout ce qui peut aggraver la situation. L’expérience du dialogue social à l’échelon national montre que les partenaires sociaux sont appelés à revoir, ensemble, la manière du déroulement de la négociation dans le but de dégager une nouvelle approche du dialogue social, à même de permettre d’aboutir, rapidement, à des résultants raisonnables, acceptés par les uns et par les autres. Et élargie aux autres niveaux de la négociation : secteur, entreprise, établissement.


La relation entre partenaires sociaux ne devrait pas se limiter à sa dimension formelle. En particulier dans un contexte comme celui d’aujourd’hui, il est du devoir des responsables économiques et syndicaux de se retrouver, de temps à autres, pour discuter des questions sociales et de la manière de traiter les divergences avant qu’elles donnent lieu à des conflits engendrant des pertes pour le pays, les entreprises et les salariés. Des relations, tenues dans un cadre informel ne doivent pas être ignorées par le système des relations sociales, comme c’est le cas dans certains pays.

Les partenaires sont aujourd’hui convaincus du dialogue et de l’existence de rapports organisés entre eux et affichent cette position à toutes les occasions

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